Isabelle Delon, Directrice générale adjointe Clients et Services de SNCF Réseau, explique les objectifs de cette alliance
Le train comme la barge sont des modes de transport de marchandises déjà anciens. Pourquoi entamer un tel rapprochement maintenant ?
L’attente autour de solutions durables et alternatives est forte au sein de la société, comme en témoignent les propositions de la Convention citoyenne pour le climat(2) en faveur du développement des transports bas carbone. Cette alliance est également réclamée depuis longtemps par les entreprises et les chargeurs. Soumis à des obligations légales et des enjeux d’image, ils cherchent de plus en plus à se tourner vers des modes plus respectueux de l’environnement.
Le contexte est donc particulièrement favorable...
Le ferroviaire et le fluvial sont non seulement complémentaires mais disposent aussi d’infrastructures peu saturées en comparaison avec la route. Le potentiel de croissance est grand. Je pense, notamment, au transport combiné qui consiste à mettre une remorque sur un train puis la passer du train à la barge.
Qu’est-ce qui fait leur complémentarité ?
Le transport par voie ferrée et fluviale est à la fois pertinent sur de longues distances, grâce aux trains, mais aussi pour pénétrer au cœur des agglomérations avec les barges. Le chargeur Carrières du Boulonnais utilise déjà cette combinaison pour transporter leurs matériaux vers les chantiers du Grand Paris.
Ce qui signifie moins de camions en ville…
Oui et c’est tout sauf anodin lorsque l’on sait que la circulation des poids lourds génère à elle seule 20% des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports. Un convoi fluvial est un mode de transport peu bruyant qui consomme 3 à 4 fois moins d’énergie que le transport routier et peut embarquer l’équivalent du chargement de 200 camions. Un train de fret représente, quant à lui, 40 camions en moins sur la route et rejette 10 fois moins de CO2. En combinant les deux, le gain écologique est indéniable, particulièrement dans les zones urbaines.
Et pourtant, la part de marché du fret ferroviaire et celle du fluvial restent modestes. Comment l’expliquez-vous ?
Il existe d’abord un frein matériel : toutes les entreprises ne sont pas raccordées aux réseaux ferroviaire ou fluvial. Par ailleurs, nos offres demeurent souvent méconnues. Nous sommes encore trop perçus comme des modes « lourds » qui ne transportent que des produits de carrière ou des céréales. Le transport par fleuve ou train paraît peut-être moins évident pour des entreprises commercialisant des produits de grande consommation. Or, le transport combiné est tout aussi adapté à leurs besoins. Nous devons donc mener un travail commercial et de pédagogie. C’est l’un des enjeux de notre partenariat avec VNF.
Que représente concrètement ce partenariat ?
Nous n’avons pas voulu engager d’actions que nous ne serions pas capables de réaliser. Il s’agit d’abord de mieux nous connaître et de partager nos infos. Une première étape essentielle qui passe par des choses assez simples.
Par exemple ?
Ne pas réaliser, dans la mesure du possible, des travaux en même temps sur le réseau ferroviaire et les infrastructures fluviales quand la voie d’eau peut être un itinéraire alternatif. Mais également favoriser la communication entre nos commerciaux lors de présentations croisées de nos offres respectives. Il faut que chacune des deux entités puissent mieux les appréhender, les présenter à de potentiels clients. Enfin, si les programmes d'investissement restent propres à chacun, cela n’empêche pas de discuter ensemble de ce que pourraient être, à l’avenir, des plateformes communes pour mieux connecter le ferroviaire et le fluvial.
À l’avenir, peut-on imaginer des plateformes qui mêleraient fluvial, fer et routes maritimes ?
Les ports sont des partenaires importants et des gestionnaires stratégiques dans la logistique nationale et internationale. Plus ils sont forts et connectés et plus on a intérêt à unir nos forces pour développer les parts de marché combinées de ces trois types d’infrastructures, comme c’est le cas, par exemple, au port d’Hambourg, en Allemagne, où la part de marché du fret ferroviaire atteint 50%.
C’est l’objectif que vous vous fixez ?
Même s’il existe des régions où la part du ferroviaire avoisine les 20%, comme dans les Hauts-de-France, nous sommes encore loin du port d’Hambourg. Nous souhaitons évidemment nous en rapprocher, mais pour atteindre de telles parts de marché, la volonté politique est également primordiale. Le récent plan de relance(3), qui facilite les investissements sur les modes fluvial et ferroviaire, est un signal très positif.